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Pulvérulence de la photographie : nuées, poussières stellaires, brouillard et brouillage

Dès ses origines, la photographie est partie en quête du ciel, de la lune et des étoiles. Cherchant des points lumineux dans la nuit noire, ou l'excès de visibilité du soleil, de la foudre et des phénomènes électriques. C'est qu'elle avait faim de voyages, sur terre, sur mer, dans les astres aussi bien qu'à l'intérieur des corps et jusque dans les plus infimes divisions corpusculaires. Ce qu'elle a trouvé en chemin, ce n'est rien d'autre qu'elle-même, cette écriture de lumière capable de survivre au temps.


Mais plus encore qu'une autre exposition sur la photographie se mirant ellemême (ce qui est presque devenu une rhétorique aujourd'hui), ce serait une exposition sur le regard. Ou plutôt sur les regards. Autant de regards que de démarches. Autant de regards que de spectateurs. Mais alors, quels regards ?


Celui qui fait corps avec le monde, s'y plonge sans retenue : le regard qui aime à se perdre dans les espaces infinis, ceux qui apparentent la poussière inframince de notre quotidien aux nébuleuses interstellaires. Cette perte de l'échelle, du microscopique au macroscopique, comme un éternel jeu optique, un état d'enfance innervé d'imaginaire. Le regard par atomisation, Sandrine Elberg.
 

Il y a aussi le regard qui se concentre sur un simple point jusqu'au vertige de l'hypnose. Des éclairs de flashes répétés viennent frapper la surface photosensible constituée, couche après couche, de gomme bichromatée, cette technique historique de la photographie que le tireur dépouille avec le pinceau. La couleur presque par accident. Le regard par concentration intense, Mustapha Azeroual.
 

Et enfin, le regard qui creuse, fouille, scrute. Cherche à percer l'opacité, repousser la nuit et franchir les espaces du temps. Pour trouver quoi ? Conjurer quelles angoisses ? Echapper à quelles peurs ? Car depuis les origines, les hommes ont relié les éléments et les fils de la vie pour faire naître des récits, afin de donner sens à ce vertige infini. Retrouver le fil des histoires, construire une fiction. Le regard narrateur, Manon Lanjouère.
 

Le regard se dissout dans les images, notre corps s'y projette, il devient points, lignes, formes, silhouettes. Considère enfin ceci : quand le grain du cosmos se confond avec les comètes argentiques, le voir n'est rien d'autre que du désir, aux frontières de la preuve et de l'imagination. Regarder les photographies ou les étoiles, ce n'est jamais que chercher notre position dans le monde.
 

Bruno Dubreuil (2019)

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