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Sandrine Elberg, l’exoplanète de la photographie
 

Dans toute la dernière partie de son grand œuvre sur la technofolie, le philosophe et urbaniste Paul Virilio a pensé les causes et conséquences d’une déportation massive de l’humanité sur une exoplanète. 

La Terre est asphyxiée, le sperme s’est tari – lisez les statistiques et les ovules ne sont plus que de pauvres petites choses sans emploi flottant telles des bouches affamées dans le ventre des femmes.

Il faut rassembler quelques affaires – les fusées sont étroites comme des jeunes filles, ne rien dire à personne, fuir. 

Le berceau est devenu cercueil, et l’on ne sait plus où est passé le pape. 

Après avoir tourné sans fin dans la nuit glacée de l’infiniment grand, les voici qui arrivent, quelques hommes, quelques femmes, chancelants, perdus, exilés.

Parmi les survivants, une drôle d’humanoïde, avançant dans le noir avec sa frontale, son appareil photographique, son œil cyclopéen halluciné.

Sandrine Elberg s’interroge, mais la curiosité est trop forte, il faut voir, encore et encore, à tout prix, ce que nul n’a pu voir jusqu’alors. 

Les derniers haleurs se sont enfuis, la solitude est  abyssale, là où le silence a remplacé le clapotement furieux des marées noires et les poteaux de couleurs.

Voici la mer de l’univers, infusée d’astres et lactescente. 

Voici plus vastes que les lyres, le corps d’une noyée pensive sachant les cieux crevant en éclairs et les tremblements de phosphore.

Le sol est un frisson d’aluminium, une poudre de magnésie, une lave menaçante. 

Soleils d’argent, flots nacreux, anses de braises !

Fileuse des immobilités noires, passe Sandrine Elberg, traversant l’orgueil des drapeaux et des flammes, dans la torpeur enivrante de l’illimité. 

 

Fabien Ribery for Halogénure Revue (2019)

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